Pathologie hémorroïdaire

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Les hémorroïdes sont des formations vasculaires anatomiquement présentes chez tout le monde depuis la naissance.

Il s’agit d’un tissu composé d’artères et de veines qui tapissent le canal anal, réparti en 3 paquets principaux autour de l’anus. Elles sont en général asymptomatiques mais, lorsqu’elles deviennent symptomatiques, on parle de pathologie hémorroïdaire. On différencie habituellement les hémorroïdes externes des hémorroïdes internes par leurs complications.

Manifestations cliniques

Les thromboses

Les thromboses ou « crises hémorroïdaires » correspondent en fait à  la constitution au sein du réseau hémorroïdaire de caillots accompagnés d’œdème.
Certains facteurs déclenchants sont classiquement décrits : repas alcoolisés ou épicés, efforts de poussée excessifs, stress, épisodes de la vie génitale (règles, fin de grossesse, accouchement) (cf encadré), etc.

Dans tous les cas, le caillot ne migre jamais et ne peut donc pas être à l’origine d’une embolie pulmonaire.
La symptomatologie diffère en fonction de leur localisation sur les plexus hémorroïdaires externes ou internes.

La thrombose hémorroïdaire externe est la cause la plus fréquente des urgences en proctologie.

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marisques

Elle se manifeste par l’apparition brutale d’une douleur et d’une tuméfaction (« grosseur ») de la marge anale. Quand on regarde, on trouve une tuméfaction bleuâtre ou légèrement translucide (par l’œdème) laissant apercevoir des caillots bleutés. Cette tuméfaction peut être localisée à une partie de l’anus ou au contraire être circulaire.
Elle peut survenir à tout âge et d’égale façon dans les deux sexes. Il ne faut pas confondre les thromboses avec d’autres causes de douleurs aiguës comme l’abcès, la fissure ou d’autres tuméfactions anales : marisque, condylome, tumeurs bénignes ou malignes.
L’évolution spontanée, parfois lente, est le plus souvent favorable. Elle se fait vers la résorption de l’œdème en 3 ou 4 jours ; le caillot est beaucoup plus lent à disparaître (2 à 6 semaines). La douleur s’atténue en même temps que le caillot s’organise et que l’œdème disparaît. Parfois la peau qui recouvre la thrombose noircit et s’ulcère ce qui amène des saignements et l’évacuation de petits caillots. A distance de la crise, il peut persister une tuméfaction de peau appelée « marisque ». Celle ci est souvent appelée à tort « hémorroïde externe ».

La crise peut être unique ou se répéter dans le temps avec une intensité variable.
Le traitement de la thrombose hémorroïdaire externe dépend de la gêne physique qu’elle entraîne et de sa forme anatomique.
Il est inutile si la thrombose est de petite taille et peu ou pas douloureuse, puisque l’évolution spontanée se fait toujours vers la résorption spontanée.
Sinon, le traitement médical vise à calmer au plus vite la douleur en diminuant l’œdème étant entendu que le caillot en lui même peut mettre du temps à se résorber. Ce traitement comprend des antalgiques, des anti-inflammatoires, des topiques (suppositoires et crèmes pouvant contenir des corticoïdes, des anesthésiques locaux, des anti-spasmodiques, des lubrifiants), voire des veinotoniques dont l’efficacité est cependant controversée.

L’excision après une anesthésie locale consiste à enlever la peau en regard de la thrombose pour en extraire le(s) caillot(s) (cf encadré). Cela implique des soins locaux (antiseptiques et pommade dite « cicatrisante »). Cette petite intervention est réalisée en cas d’échec du traitement médical mais il existe un risque de saignement après le geste. Les marisques hypertrophiques peuvent également être retirées sous anesthésie locale en consultation ou sous anesthésie loco-régionale (rachi-anesthésie) ou générale au bloc opératoire si elles sont multiples et/ou étendues (cf encadré).

En cas de récidives trop fréquentes malgré une hygiène alimentaire adaptée (cf encadré), une chirurgie de type « hémorroïdectomie » peut être proposée (cf encadré).

La thrombose hémorroïdaire interne est beaucoup plus rare que la thrombose externe.
Elle siège au niveau des hémorroïdes internes mais est le plus souvent extériorisée. En effet, la thrombose interne intracanalaire non extériorisée est exceptionnelle.

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La thrombose hémorroïdaire interne extériorisée et oedémateuse constitue un accident volontiers atrocement douloureux et pouvant constituer une véritable urgence proctologique. En effet, les hémorroïdes extériorisées ne peuvent plus se réintégrer spontanément dans le canal anal du fait d’une hypertonie sphinctérienne concomitante. Le malade ressent alors une douleur très vive en même temps qu’apparaît une tuméfaction tendue, douloureuse, avec en son centre une zone noirâtre violacée, et à la périphérie, une zone oedémateuse plus rose, translucide. Cette thrombose peut être localisée à un quadrant, à une hémi-circonférence; elle est parfois circulaire.

Le traitement de la thrombose hémorroïdaire interne est d’abord médical et repose sur le même traitement que pour la thrombose hémorroïdaire externe. La douleur s’atténue alors en quelques jours ; la tuméfaction diminue d’abord rapidement par résorption de l’œdème, puis beaucoup plus lentement laissant parfois une séquelle sous forme de marisque ou de papille hypertrophique fibreuse. Il s’agit d’une contre-indication à l’excision mais, en cas d’échec de ce traitement médical, ou d’emblée, devant une thrombose en voie de nécrose, une chirurgie en urgence de type « hémorroïdectomie » peut être proposée (cf encadré), ce qui guérit à la fois l’accident de thrombose et la maladie hémorroïdaire.

Les saignements

Les hémorragies par l’anus sont un motif fréquent de consultation. Typiquement, il s’agit de sang rouge, survenant à la fin de la selle.
Le saignement est d’importance variable, éclaboussant la cuvette, ou coulant goutte à goutte, ou simplement visible sur le papier. Il est intermittent et a pour caractéristique de céder automatiquement lors de l’occlusion de l’anus après la défécation. Ce saignement est, contrairement à l’idée reçu, indolore et ce contrairement au saignement lié à la fissure anale. De surcroît, il est habituellement compensé par l’organisme si bien que la survenue d’une anémie est rare.

L’origine hémorroïdaire des saignements ne doit être affirmée qu’après avoir éliminé une lésion sus-jacente, en particulier par la coloscopie totale à effectuer chez tous les sujets âgés de plus de 40 ans ou ayant des antécédents personnels ou familiaux, ou des symptômes d’appel anormaux (troubles du transit, émissions glaireuses, amaigrissement, etc.).

Le traitement des saignements hémorroïdaires repose en première intention sur la régularisation du transit intestinal et les topiques (cf encadré). Sinon, il fait appel à plusieurs techniques instrumentales : la sclérose, la photocoagulation infrarouge et la ligature (cf encadré). La chirurgie est envisagée en dernier recours (cf encadré).

Le prolapsus hémorroïdaire

Il s’agit d’une extériorisation des hémorroïdes internes à travers l’anneau sphinctérien due à une la laxité pathologique du tissu de soutien.
Son importance est variable. Il apparaît d’abord à la selle, se réintégrant spontanément, puis il se majore avec le temps et nécessite alors souvent une réintégration manuelle. Au maximum il devient permanent avec un suintement séro-sanglant, tachant le linge et pouvant entraîner des démangeaisons. Ce prolapsus est souvent accompagné de saignements. Enfin, il est indolore si bien que la notion de douleur doit faire rechercher une fissure anale associée, typique par sa douleur déclenchée par la selle.

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Le traitement dépend évidement de l’importance du prolapsus. En cas de prolapsus modéré et limité à un quadrant, on peut essayer les traitements instrumentaux (cf encadré), la ligature élastique ayant alors une place de choix. Cependant, ces techniques ne peuvent remplacer la chirurgie (cf encadré) en cas de prolapsus circulaire, survenant à l’effort et a fortiori en cas de prolapsus permanent. L’intervention chirurgicale consiste alors soit à remonter les hémorroïdes dans le canal anal (anopexie circulaire selon la technique de Longo ou ligatures des artères hémorroïdales avec mucopexies), soit à les détruire par voie sous-muqueuse (technique Laser), soit à réséquer définitivement le réseau hémorroïdaire (hémorroïdectomie selon la technique de Miligan et Morgan) (cf encadrés).

Elise POMMARET

——————- Encadrés ——————-

  • Cas particulier de la femme enceinte ou après l’accouchement
    La pathologie hémorroïdaire touche 10 à 40 % des femmes enceintes et environ 20% des femmes après leur accouchement. Le problème est souvent mis au second plan par rapport à l’aspect gynécologique alors qu’il peut être très douloureux.
    L’hyperpression vasculaire pendant la grossesse, surtout au troisième trimestre, favorise la formation d’une turgescence hémorroïdaire. La constipation, l’imprégnation hormonale et les poussées importantes au moment de l’accouchement favorisent la crise hémorroïdaire.
    Le traitement est presque le même que dans la population générale mais les anti-inflammatoires sont remplacés par des corticoïdes pendant les grossesses et il est préférable d’éviter tout geste local ou chirurgical pendant cette période. Une prise en charge spécialisée est donc recommandée.
    Nicolas LEMARCHAND et Manuel AUBERT
  • L’hygiène alimentaire
    Le régime alimentaire qui devrait exclure les épices (poivre, moutarde, cumin, piments, paprika etc.), les boissons alcoolisées et les excitants (thé, café, Coca-Cola etc.), est désespérément classique.
    Aucun de ces produits ne peut être incriminé dans la genèse de la pathologie hémorroïdaire.
    Tout ou plus ces produits peuvent, en cas d’hémorroïdes volumineuses, entraîner une gêne ou des saignements et encore, il s’agit d’une susceptibilité individuelle que le patient apprend vite à reconnaître.
    De même aucun de ces produits n’est de façon certaine responsable d’accident de thrombose hémorroïdaire. Nous verrons d’ailleurs qu’il n’existe aucun traitement préventif pour ce type d’accident hémorroïdaire.
    Nicolas LEMARCHAND et Manuel AUBERT
  • Les topiques
    Ce sont des médications de contact utilisées en suppositoires pour les lésions intracanalaires ou en pommades pour les lésions marginales. Les deux formes peuvent être associées, en recouvrant le suppositoire de pommade.
    L’industrie pharmaceutique offre un grand choix de produits constitués d’associations médicamenteuses d’actions polyvalentes :
    – les topiques simples à base de carraghénates, de titane, de sels de bismuth, d’oxyde de zinc. Ils ont un effet décongestionnant et réalisent un pansement protégeant la muqueuse contre l’agression des selles.
    – les topiques avec corticoïdes : le plus utilisé est l’acétate d’hydrocortisone possédant une action anti-inflammatoire.
    Aux corticoïdes, il est parfois associé des anesthésiques de contact en raison de leur effet antalgique et antiprurigineux. Cependant, il faut se méfier de leur action allergisante.
    Nicolas LEMARCHAND et Manuel AUBERT
  • L’excision ou l’incision d’une thrombose hémorroïdaire
    C’est un geste simple et réalisable en consultation, si besoin sous anesthésie locale.
    L’incision consiste en une ouverture simple de la tuméfaction au bistouri et un curetage de la cavité pour s’assurer de l’évacuation complète du caillot.
    L’excision consiste en une exérèse de la peau tuméfiée au bistouri ou aux ciseaux permettant une évacuation complète du caillot et du sac thrombotique.
    L’excision doit être préférée à l’incision quand elle est possible car elle diminue le risque de marisques résiduelles et de reformation du thrombus.
    Des soins locaux comprenant des antiseptiques peuvent parfois être prescrits pour une durée qui sera déterminée par le proctologue.
    Ce geste ne doit pas être systématique devant toute thrombose hémorroïdaire externe notamment quand elle est œdémateuse. Le traitement médical de première intention associant anti-inflammatoires non stéroïdiens, antalgiques et régulateurs de transit est habituellement très efficace. La douleur disparaît rapidement et la thrombose régresse en quelques semaines.
    Nadia FATHALLAH
  • L’exérèse de marisque
    La marisque est une excroissance de la peau au niveau de l’anus en rapport avec un remaniement cicatriciel en relief qui témoigne d’une inflammation chronique ou d’une fissure anale. Elle peut être également l’expression d’un glissement du tissu hémorroïdaire de l’intérieur de l’anus.
    Elle est habituellement non douloureuse et ne présente aucun risque de transformation maligne. Cependant, elle peut être source d’une gêne à une bonne hygiène intime, être responsable d’irritation à l’effort ou de démangeaisons. Dans ces situations, il peut être indiqué de l’enlever.
    Le geste est effectué sous anesthésie locale lorsque la marisque est localisée et de petite taille, sinon il doit être fait sous anesthésie générale lors d’une hospitalisation ambulatoire.
    La plaie qui en résulte est habituellement de petite taille, laissée ouverte pour une cicatrisation dirigée, obtenue dans un délai de 5 à 15 jours. Des soins locaux simples avec de l’eau, un savon doux et parfois une crème cicatrisante sont suffisants. Il n’est pas nécessaire de recourir aux services d’une infirmière.
    Les douleurs ressenties après le geste sont habituellement minimes à modérées. Elles sont bien contrôlées par des antalgiques pallier I de type paracétamol.
    Il est déconseillé de s’éloigner (voyage) pendant les deux premières semaines après ce geste à cause du risque, bien qu’exceptionnel, d’hémorragie.
    Nicolas LEMARCHAND, Manuel AUBERT, Paul BENFREDJ, Denis SOUDAN, Katia FELLOUS, Hélène PILLANT-LE MOULT et Benoît MORY
  • Les techniques instrumentales hémorroïdaires

Il s’agit de techniques réalisées en consultation, qui ne nécessitent ni lavement préalable, ni anesthésie car indolores, ni de soins particuliers par la suite.
La sclérose consiste à injecter un produit sous la muqueuse, la photocoagulation à coaguler la muqueuse et la ligature élastique à placer, par aspiration, un anneau élastique au sommet des paquets hémorroïdaires, en zone sus-pectinéale insensible.
Ces diverses techniques instrumentales agissent par un effet chimique (sclérose), thermique (photocoagulation) ou mécanique (ligature élastique). Elles ont en commun d’aboutir à une obturation du réseau vasculaire sous-muqueux et à une cicatrice fibreuse qui adhère au plan profond et fixe la muqueuse à l’intérieur du canal anal
Le geste est d’autant plus facile qu’il existe une laxité de la muqueuse rectale associée. Le tissu va progressivement se nécroser et la chute d’escarre se fait en deux à dix jours.
Une ou plusieurs séances peuvent être nécessaires mais l’efficacité peut s’estomper dans le temps car on ne retire pas les hémorroïdes.
Les effets secondaires sont rares : inconfort, voire douleur, saignement à la chute d’escarre qui peut survenir une dizaine de jours après le geste, infection.
Élise POMMARET
Le traitement chirurgical des hémorroïdes
Nous disposons aujourd’hui de plusieurs techniques possibles, toutes réalisées au bloc opératoire sous anesthésie loco-régionale (rachi-anesthésie) ou générale.
L’hémorroïdectomie consiste à retirer les trois paquets hémorroïdaires principaux et à ligaturer leurs artères nourricières.

L’anopexie selon la technique de Longo (du nom du chirurgien sicilien qui l’a mise au point au milieu des années 90 du vingtième siècle) consiste non pas à retirer les hémorroïdes mais à les ramener et à les fixer à l’intérieur du canal anal à l’aide d’une pince dédiée qui réalise un agrafage circulaire au niveau du bas rectum.
La technique des ligatures sous contrôle doppler consiste à repérer les artères sous-muqueuses du bas rectum qui irriguent le tissu hémorroïdaire et à les ligaturer par des points transfixiants en X réalisés par voie endo-anale. La mucopexie, souvent associée, consiste en une suture longitudinale qui ramène et fixe les hémorroïdes à l’intérieur du canal anal.
La technique Laser consiste à coaguler le tissu hémorroïdaire interne à l’aide d’une sonde Laser introduite en sous-muqueux via une incision de la peau de la marge anale en regard de chacun des paquets hémorroïdaires.
Nadia FATHALLAH

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