Interview du Docteur Vincent de Parades – gastro-entérologue proctologue

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Photo Dr de Parades

Bienvenue à notre interview du Dr Vincent de Parades, gastro-entérologue et proctologue à l’Hôpital Paris Saint-Joseph. Dans cet entretien, le Dr de Parades nous présentera les spécificités du service de proctologie médico-chirurgicale. Il nous parlera également des pathologies prises en charge, des avancées médicales, des moyens technologiques et humains mis en place pour assurer des soins de qualité, ainsi que des projets phares que nous pouvons soutenir.

Pouvez-vous nous présenter votre service ?

Le service de proctologie médico-chirurgicale est constitué de gastro-entérologues proctologues et nous avons une particularité : nous faisons de la proctologie médicale et instrumentale, comme tous les gastro-entérologues, mais également de la proctologie chirurgicale – et il s’agit là d’une exception française. Je dis cela car, en Europe, la proctologie chirurgicale est réalisée par les chirurgiens et la spécificité française consiste à ce que des gastro-entérologues soient formés à la chirurgie proctologique.

« Nous avons dans le service 4 missions qui sont : de soigner […] progresser […], transmettre […] communiquer »

Nous avons dans le service 4 missions qui sont :

  • De soigner naturellement, c’est le coeur de notre métier et nous avons été formés pour cela,
  • De progresser, ce qui est indispensable – nous allons toujours chercher de nouvelles techniques, prises en charge dans cette idée d’améliorer nos soins,
  • De transmettre, qui est un sujet fondamental pour moi mais l’équipe est en accord avec ça, à nos internes, externes, docteurs junior, à la multitude de stagiaires qui viennent nous voir travailler en consultation, en bloc opératoire – nous participons également à une multitude de diplômes inter-universitaires, à l’organisation de workshops au sein du service sur les diverses techniques chirurgicales que nous avons développées. Nous avons même une journée de formation annuelle au mois de mai qui est très fréquentée et qui nous renforce dans l’idée qu’il faut continuer de transmettre dans notre spécialité,
  • De communiquer, qui est importante de mon point de vue, et cela passe par des publications ( synthèses sur les différentes pathologies que nous connaissons bien, publications originales dans des revues nationales ou internationales), et nous sommes également sollicités sur des communications orales lors de congrès nationaux ou internationaux (Busan, Stockholm, Alger, Thessalonique, Agadir, Berlin, Genève, Lisbonne, San Diego, Londres…). Pour moi, c’est fondamental de communiquer sur ce que nous faisons à l’intention de nos collègues car, entre soignants, ces échanges sont  toujours propice à l’amélioration. C’est d’autant plus vrai que notre spécialité est encore touchée par le tabou. Donc, tout ce qui contribue à démystifier ces pathologies est mis en place, car ce tabou empêche des patients de consulter alors que leur  qualité de vie est franchement altérée.

Une autre particularité de notre service contribue à notre visibilité, c’est que nous sommes nombreux. Nous sommes une quinzaine de médecins sénior et nous avons :

  • 5 assistants,
  • Plusieurs internes,
  • Une armée d’infirmières, d’agents techniques, de secrétaires, de programmatrices, de personnel administratif, …

C’est un groupe considérable de personnes, qui nous aident à travailler, et de le faire avec le plus de fluidité possible. Il est évident que le maître mot est l’organisation pour que cela se passe au mieux.

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Quelles sont les principales pathologies prises en charge ?

Nous balayons toutes les pathologies proctologiques de l’adulte parce que nous sommes un hôpital d’adultes, c’est-à-dire que tous les adolescents sont également pris en charge mais, dès lors qu’il s’agit d’enfants, ils sont pris en charge dans des hôpitaux dédiés à Paris.

Les grandes pathologies auxquelles nous sommes confrontées sont :

  • La pathologie hémorroïdaire, une des plus fréquentes dans le monde,
  • Les fistules anales, en particulier les fistules anales complexes, notamment dans le contexte très particulier de la maladie de Crohn,
  • La fissure anale, une pathologie très douloureuse et fréquente,
  • Un certain nombre d’infections ano-rectales sexuellement transmises,
  • Des infections diverses comme le sinus pilonidal infecté et la maladie de Verneuil.

Nous sommes également très investis dans la détection de lésions précancéreuses de l’anus et dans le diagnostic des cancers de l’anus.

Et, bien évidemment, nous sommes également impliqués dans tout ce qui relève de troubles fonctionnels, c’est-à-dire tout ce qui relève des troubles de la continence mais aussi des difficultés d’évacuation des selles, qu’on appelle la constipation terminale et qui est une pathologie très répandue et extrêmement invalidante en termes de qualité de vie pour les patients.

Quelles sont les avancées médicales récentes et nouvelles techniques que vous mettez en place pour améliorer le diagnostic et le traitement des patients dans votre spécialité ?

Pour ce qui est du diagnostic, nous proposons tout le panel des explorations complémentaires, qui permettent de mieux préciser la physiopathologie des diverses pathologies que nous prenons en charge. Et nous avons un plateau d’exploration avec la possibilité de faire :

  • des manométries (mesures des pressions) ano-rectales haute résolution,
  • des échographies endo-ano-rectales en 3D,
  • de l’anuscopie haute résolution.

Et puis, nous collaborons avec nos collègues radiologues avec tout ce qui relève de l’imagerie pelvienne dynamique, ainsi que les urologues sur les bilans uro-dynamiques.

Nous avons également créé un score de saignements hémorroïdaires, qui n’existait pas antérieurement et qui est fortement utile pour évaluer l’efficacité de certains traitements comme l’embolisation hémorroïdaire par exemple.

« Nous privilégions maintenant des suites opératoires simples et d’une hospitalisation la plus courte possible parce que c’est une demande des patients.« 

En ce qui concerne l’aspect thérapeutique, nous n’avons pas énormément progressé pour ce qui est de la prise en charge médicale ou instrumentale des pathologies. En revanche, nous avons beaucoup travaillé sur la prise en charge chirurgicale et nous nous sommes efforcés, durant la dernière décennie, de développer les techniques à destination des fistules anales, sans prendre le risque de compromettre la continence anale des patients et ça, c’est un vrai sujet de préoccupation des patients et un vrai cheval de bataille pour nous.

Nous avons ainsi introduit l’utilisation du laser en chirurgie proctologique en France.

Nous avons également beaucoup développé la chirurgie mini-invasive en pathologie hémorroïdaire, mais également avec le sinus pilonidal. Du reste, nous avons participé à un changement de paradigme en la matière. Nous privilégions maintenant des suites opératoires simples et d’une hospitalisation la plus courte possible parce que c’est une demande des patients.

Nous avons énormément travaillé sur la prise en charge des fistules complexes et très difficiles à guérir de la maladie de Crohn avec, en particulier, le développement des injections de cellules souches et maintenant de tissus adipeux.

Nous avons également remis en question le dogme de la mise en place des sétons dans les fistules de la maladie de Crohn dont nous pensons que bon nombre peuvent désormais guérir sans le recours à ce traitement contraignant pour les patients.

Pouvez-vous nous parler des équipements médicaux et des installations de pointe que votre hôpital met à disposition pour assurer des soins de haute qualité, notamment pour les pathologies complexes ?

A Saint-Joseph, nous avons la chance de disposer de locaux de grande qualité, dans un bel hôpital par ailleurs.

Nous avons, en particulier, un plateau de consultation qui est exceptionnel puisque nous avons 7 boxes de consultation qui fonctionnent matin et après-midi tous les jours de la semaine. Nous avons sans doute une des plus grandes activités de consultation de France, peut-être même d’Europe.

Nous avons également un plateau d’explorations fonctionnelles et un bloc opératoire avec 2 salles qui fonctionnent matin et après-midi tous les jours de la semaine avec donc une importante activité chirurgicale.

Pour vous donner un ordre d’idée de la masse considérable de patients que nous prenons en charge, en 2024, nous avons vu 43 000 patients en consultation et nous en avons opéré 4 000, ce qui est énorme.

Quels sont les moyens qui caractérisent votre hôpital et qui contribuent à offrir un environnement propice au rétablissement et au bien-être des patients ?

C’est effectivement fondamental, nous avons beaucoup travaillé là-dessus et, en la matière, nous avons développé la chirurgie ambulatoire. Lorsque je suis arrivé il y a 13 ans, nous prenions en charge en ambulatoire 30% de nos patients alors que, désormais, nous en sommes à 95%. Evidemment, c’est un plus pour les patients.

Et puis, nous avons développé toutes les techniques mini-invasives qui ne sont pas forcément les plus efficaces des techniques mais les suites opératoires sont extrêmement simples et les patients sont très demandeurs de ça aujourd’hui, d’autant plus que l’immense majorité de nos patients ont une activité professionnelle et l’idée d’avoir un arrêt d’activité minimalisé est une demande importante de leur part.

Nous avons également beaucoup développé les techniques d’épargne sphinctérienne car il n’est aujourd’hui pas acceptable d’avoir des séquelles, notamment des troubles de la continence, pour des raisons évidentes d’impact de qualité de vie personnelle et professionnelle.

Dans la perspective d’une collecte de dons, quel est le projet phare à soutenir et qui pourrait contribuer à l’amélioration des soins et des traitements pour vos patients ?

Ce qui nous aiderait beaucoup, c’est d’avoir une database utilisable de toutes ces données que nous collectons provenant de cette masse considérable de patients afin de pouvoir faire une multitude d’études sur la physiopathologie, l’épidémiologie, la prise en charge médicale, instrumentale, voire chirurgicale de tous nos patients, toujours dans cette idée de progresser.

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