Bienvenue à notre interview du Pr Xavier Durand, chirurgien urologue à l’Hôpital Paris Saint-Joseph. Dans cet entretien, le Pr Durand nous présentera les spécificités d’urologie. Il nous parlera également des pathologies prises en charge, des avancées médicales, des moyens technologiques et humains mis en place pour assurer des soins de qualité, ainsi que des projets phares que nous pouvons soutenir.
Pouvez-vous nous présenter votre service ?
C’est un service de chirurgie francilien qui consacre donc son activité à la chirurgie urologique. Nous faisons toute la chirurgie urologique en dehors de la greffe, c’est-à-dire que tout ce qui concerne la transplantation n’est pas traité au sein de notre service.
Du point de vue des effectifs, le service est composé de :
- 8 chirurgiens urologues à temps plein (6 séniors et 2 assistants) ;
- des étudiants que nous accueillons avec beaucoup d’enthousiasme, des internes et, en l’occurrence, nous en avons 4, qui sont en fin de cursus.
Donc nous avons une équipe assez fournie.
Pour ce qui relève de l’attractivité, notre organisation se ventile en 3 pôles :
- le pôle externe de consultation : nous recrutons et suivons les patients en consultation clinique mais également en exploration, ce qui est très important en urologie (fibroscopie, biopsie, bilan uro-dynamique, …). Les consultations prennent également un nouveau visage avec les consultations paramédicales avec les infirmiers de parcours spécifiques, les consultations de recherche clinique. Sur le plan des modalités, nous nous lançons dans la téléexpertise et la téléconsultation qui, à mon sens, va prendre de l’importance dans les années qui viennent ;
- le secteur d’hospitalisation : C’est un service comptabilisant 21 lits d’hospitalisation conventionnels, qui est armé d’un personnel paramédical (infirmiers, aides soignants, assistants médicaux, …) ;
- le secteur d’hospitalisation de jour, ambulatoire : Elle est soit chirurgicale soit médicale. Ce secteur représente 40% de notre activité chirurgicale avec un gros développement sur les dernières années d’une hospitalisation d’1 jour pour de la lithiase, de l’incontinence, le placement d’une sonde urinaire placée en urgence, …
Quelles sont les principales pathologies prises en charge ?
“Nous sommes très attentifs à travailler en réseau au sein de l’hôpital.”
Nous avons ⅓ de l’activité lié à la cancérologie urologique, l’uro-oncologie, avec 5 organes principalement :
- la prostate, 1er cancer de l’homme, qui prend différents aspects sur le plan chirurgical avec notamment la prostatectomie totale, avec un vrai sujet de robotique concernant la prostatectomie ;
- la vessie, avec de la chirurgie endoscopique, mais également là aussi de la chirurgie robotique et de la chirurgie ouverte, les chirurgies d’exérèse vésicales (cystoprostatectomie) ;
- le rein, où nous avons la chirurgie mini invasive et la chirurgie robotique en particulier. Nous avons donc ici la néphrectomie partielle puisque c’est l’aboutissement actuelle de cette chirurgie anale. Et puis, nous avons des chirurgies totales avec la néphrectomie totale ;
- les testicules, un peu plus anecdotique en terme de volume : c’est un sujet académique sur lequel nous travaillons beaucoup au travers des chirurgies testiculaires en propre , mais également des chirurgies de curage rétropéritonéal qui interviennent en second recours des situations extatiques du cancer du testicule, ce qui est une particularité du service ;
- le pénis, encore un peu plus anecdotique, qui vient clore ce spectre des cancers urologiques : tumeur rare (500 cancers du pénis en France).
C’est vraiment une pathologie de concertation, de relation avec de nombreux praticiens et professionnels au sein de l’hôpital : oncologues, radio-thérapeutes, imageurs, radiologues, anatomopathologiste, … Nous sommes très attentifs à travailler en réseau au sein de l’hôpital.
“Notre service est devenu un centre d’expertise du traitement de l’adénome de la prostate […] qui nous place dans les centres à gros volume”
Le 2e secteur, peut-être en terme de volume car représente probablement 25% de notre activité, ce sont les troubles fonctionnels de l’homme, et en particulier l’adénome de la prostate (hypertrophie bénigne de la prostate), très importante sur le plan épidémiologique en France.
Notre service est devenu un centre d’expertise du traitement de l’adénome de la prostate. Nous réalisons donc au bas mot 420 interventions d’adénome en 2024, ce qui nous place dans les centres à gros volume. C’est adossé à de l’innovation, à de la recherche clinique, puisque dans ce secteur, nous développons différents aspects modernes de cette chirurgie endoscopique, au travers de l’éducation prostatique (laser en particulier), mais également par des procédés instrumentaux comme l’Urolift. Dans ce créneau, on essaie d’offrir au patient un spectre du panel de traitement le plus large possible afin d’essayer de proposer un traitement le plus personnalisé possible.
En 3e volet, nous avons également la chirurgie à destination des femmes avec des aspects hétérogènes : troubles fonctionnels en propre, problèmes de statique pelvienne, ce qu’on appelle la descente d’organes, également concernée par la chirurgie mini-invasive notamment.
Se rattachant à cette urologie fonctionnelle de la femme, nous avons la neuro-urologie, qui est également une spécialité du service et qui concerne les troubles mictionnels addosés à une pathologie neurologique préalable (Parkinson, sclérose en plaques, traumatisme rachidien, …). L’urologue est donc un médecin qu’il est nécessaire de consulter pour conserver une qualité de vie.
20% de notre activité concerne la lithiase, le calcul urinaire. C’est une pathologie très courante sur le plan physiologique avec là encore, d’un point de vue chirurgical, un sujet de chirurgie mini invasive, avec l’endoscopie qui est très présent. Il y a également un sujet sur les lasers chirurgicaux, qui habitent beaucoup cette thématique. Là aussi, il est important d’avoir une mise en réseau parce que cette pathologie va nécessiter un geste chirurgical à un moment donné (ablation des calculs), mais elle va s’inscrire dans une charge beaucoup plus globale, notamment de prévention de la récidive de ces calculs. Nous avons des connexions avec les néphrologues, les radiologues, qui vont permettre – au-delà du geste chirurgical – de déclencher une analyse biochimique, du calcul, qui peut aboutir à tout moment à des conseils et parfois même à des pathologies sous-jacentes pour lesquelles l’expression des calculs n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Il y a aussi un vrai sujet avec les urgences, l’Hôpital Paris Saint-Joseph prenant en charge 10% des urgences à Paris intra-muros. De nombreux cas de ces calculs entrent par le canal des urgences.
Nous avons également mis en place une facilitation du parcours, permettant aux patients d’être orienté vers le bon professionnel et vers le bon parcours de soins.
J’ajouterai en dernier lieu l’andrologie, un sujet important concernant les troubles érectiles, sexuels, où là encore, nous avons mis en place des hôpitaux de jour qui permettent un partage de compétences entre les radiologues, sexologues, urologues spécialisés. Cela peut aboutir à une activité chirurgicale sur les organes vitaux externes masculins.
Quelles sont les avancées médicales récentes et nouvelles techniques que vous mettez en place pour améliorer le diagnostic et le traitement des patients dans votre spécialité ?
En uro-oncologie, je retiendrai la robotique chirurgicale qui, aujourd’hui, habite vraiment la chirurgie d’exérèse des organes, d’exérèse des tumeurs, que ce soit en prostate, en rein, en vessie, y compris en chirurgie péritonéale. Cela apporte tout le positif de la chirurgie mini invasive et cela challenge des innovations avec probablement demain de la réalité virtuelle, qui sera adossée à cette chirurgie d’exérèse. C’est un vecteur de bien-être du patient avec une diminution du temps d’hospitalisation et de recherches cliniques, ainsi que d’amélioration des gestes chirurgicaux.
En ce qui concerne l’hypertrophie bénigne de la prostate, il y a là aussi de vraies innovations thérapeutiques à travers des traitements instrumentaux : l’Urolift, le rezum.
Nous avons aussi l’amélioration dans les lasers médicaux qui sont de plus en plus employés de manière endoscopique, pour traiter cette hypertrophie bénigne de la prostate.
En termes de calculs urinaires, nous avons la miniaturisation des instruments ainsi que d’une amélioration des lasers, qui sont de plus en plus adaptés à la fragmentation des calculs et plus différenciés d’autres lasers qui sont à l’attention d’autres interventions médicales.
Pour ce qui est de la statique pelvienne, de l’urologie de la femme, la chirurgie robotique vient aussi vraiment habiter l’innovation et les améliorations techniques, que ce soit pour des chirurgies de réduction des troubles de la statique ou même des chirurgies d’implantation de prototypes de sphincters artificiels.
Cette chirurgie s’intègre dans un parcours plus global.
Nous avons des outils de perspectives de diagnostic et d’imagerie, en particulier d’imagerie métabolique, extrêmement intéressantes au sein du groupe. Je prendrai comme exemple le pet-scanner que nous faisons maintenant dans des bilans d’extension et des suivis du cancer de la prostate. Nous pouvons ainsi avoir des images morphologiques et fonctionnelles du comportement des tumeurs vis-à-vis de nos traitements.
Et, demain, nous aurons probablement une radiothérapie intervectorisée : nous allons mettre des instruments de traitement qui viendront se greffer sur les tumeurs, afin de montrer où elles sont (aspect diagnostic) par ces vecteurs d’identifications, sur lesquels il y aura un vecteur de traitement qui permettra en plus de les traiter. Cette technologie existe déjà et c’est un vecteur d’innovation très dynamique au sein du groupe et concerne plus la médecine nucléaire, sur laquelle nous devrons beaucoup nous appuyer à l’avenir.
Pouvez-vous nous parler des équipements médicaux et des installations de pointe que votre hôpital met à disposition pour assurer des soins de haute qualité, notamment pour les pathologies complexes ?
“Une innovation, qui est cloisonnée au sein d’un service et qui n’est pas éclairée par une organisation du parcours du patient adéquat, serait une perte d’efficacité, d’efficience et de mise à disposition des patients.”
La prise en charge des pathologies complexes aurait différents aspects :
- des aspects techniques : robotique chirurgicale, lasers, … ;
- la mise en réseau et le parcours de soin, qui sont un point fort de l’Hôpital Paris Saint-Joseph. C’est finalement cette agilité organisationnelle qui va permettre aux patients de franchir les cloisons naturelles que chaque service peut avoir pour délimiter son champ d’action. Lever ces barrières va permettre au patient, pour une pathologie donnée, d’avoir – dans des temps dédiés – avoir plusieurs avis, de bénéficier de plusieurs technologies et plusieurs expertises. Une innovation, qui est cloisonnée au sein d’un service et qui n’est pas éclairée par une organisation du parcours du patient adéquat, serait une perte d’efficacité, d’efficience et de mise à disposition des patients.
Quels sont les moyens qui caractérisent votre hôpital et qui contribuent à offrir un environnement propice au rétablissement et au bien-être des patients ?
Les moyens vont être avant tout des moyens humains car, bien que c’est un métier où s’invitent la technologie et l’innovation, cela reste un métier humain. Je crois que l’Hôpital Paris Saint-Joseph entretient cette flamme et ça, c’est le premier poste de moyens mis à disposition. Nous n’avons pas que des postes médicaux, mais nous avons également des infirmiers, aides-soignantes, assistantes médicales, … Il y a une vraie volonté de mettre toute cette communauté de soignants en ordre pour permettre aux patients de se sentir le mieux possible et qu’il soit bien orienté.
Le deuxième levier est matériel au travers d’une cité hospitalière qui est extrêmement agréable à vivre pour les soignants et pour les patients qui peuvent peut-être avoir des angoisses vis-à-vis d’une prise en charge hospitalière. Cela passe donc par une architecture adaptée et qui fait de ce groupe hospitalier un hôpital plutôt anxiolytique pour le patient.
Nous avons également les moyens matériels médicaux évoqués précédemment. L’hôpital reste, à travers ses moyens d’imagerie et thérapeutiques, le plus possible à la pointe de ce qu’est la prise en charge la plus moderne possible.
Dans la perspective d’une collecte de dons, quel est le projet phare à soutenir et qui pourrait contribuer à l’amélioration des soins et des traitements pour vos patients ?
Nous avons différents niveaux de projets, allant jusqu’au projet le plus pointu et ciblé. Je pense notamment à un projet d’innovation technique que nous avons avec un laboratoire d’ingénieurs, à savoir la morcellation lors de la chirurgie de l’adénome. Nous pouvons pousser cette demande de dons pour cette technique spécifique.
Le don doit également beaucoup servir à l’amélioration de l’accueil des patients, de leur parcours, de leur information au sein de l’hôpital : géolocalisation, outils digitaux, facilitation d’accès au dossier patient, …
Pour notre service de service urologique, il y a quelques dossiers qui posent un niveau très technique et technologique, et d’autres qui sont plus généraux ayant une portée sur le bien être des patients, qui n’est pas à occulter.